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09

Déc 2024

  • Articles et presse

Comment se préparer à l’audit de son rapport de durabilité ?

Article écrit par Hélène Lanier, Directrice Durabilité, et Alexandra Lesdel, Senior Consultant.

La directive européenne CSRD1 (Corporate Sustainability Reporting Directive) et les actes délégués associés2 entrent en vigueur progressivement : en 2025, les plus grandes entreprises publieront un rapport de durabilité au titre de l’année 2024, avant que la plus grande majorité des entreprises soient concernées en 2026. L’entrée en vigueur de cette directive est à l’origine de travaux d’une ampleur inégalée sur les sujets ESG, en particulier dans les entreprises du secteur financier.

L’une des étapes déterminantes dans la réussite de la mise en conformité avec la CSRD est l’audit du rapport de durabilité. La directive prévoit en effet que les informations publiées fassent l’objet d’un contrôle par les commissaires aux comptes ou un vérificateur indépendant. Dans un esprit de clarification, les autorités d’audit française3 et européenne4 ont publié, en octobre 2024, des orientations guidant les travaux des auditeurs. L’analyse de ces deux documents permet de mettre en exergue les points centraux des conclusions des auditeurs pour émettre un avis d’assurance limitée, proposant ainsi une lecture renouvelée des étapes clés de l’élaboration des rapports de durabilité.

Les principales étapes de préparation d’un rapport de durabilité sont rappelées car reprises dans les missions de l’auditeur (cf. encadré).

Les missions des auditeurs des rapports de durabilité se focalisent sur 4 piliers essentiels :  

1. L’analyse des enjeux ESG

Cette première vérification n’est pas une vérification sur le fond des informations de durabilité, mais une analyse des processus mis en œuvre par l’entreprise pour établir sa matrice de double matérialité et pour évaluer les impacts, risques et opportunités. L’entreprise doit s’attacher à décrire les différentes étapes méthodologiques, de manière détaillée et compréhensible. En pratique, cela consiste à documenter la méthodologie adoptée par l’entreprise pour identifier les parties prenantes internes et externes sur sa chaîne de valeur en amont et en aval, ainsi que les seuils, méthodologies et horizons de calcul des matérialités financières et d’impact. Parmi les points importants identifiés par la H2A sur la matérialité d’impact et la matérialité financière, il apparaît important de retenir : la clarification du contexte dans lequel l’entreprise évolue, l’identification des impacts, risques et opportunités réels et potentiels, négatifs et positifs, le processus de vigilance raisonnable mis en œuvre par l’entreprise, ainsi que les hypothèses de calcul de probabilité d’occurrence et d’ampleur des risques et opportunités.  

Toutes ces informations sont attendues dans la première partie du rapport de durabilité et doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des rédacteurs. Il s’agit de permettre aux auditeurs de se faire une idée de la qualité du travail engagé par l’entreprise auditée. La directive ne préconise aucune procédure particulière, mais il semble qu’une méthodologie simple puisse être suffisante pour expliquer qu’un enjeu est matériel. A l’inverse, la méthodologie doit être plus robuste pour déclarer certains enjeux non matériels (en particulier s’il ne s’agit pas de pratiques partagées par les autres acteurs du secteur d’activité). 

 

2. Le processus d’identification des informations à publier dans le rapport de durabilité

L’auditeur s’attachera à vérifier que l’entreprise divulgue l’ensemble des informations en matière de durabilité qui la concernent, qu’il s’agisse d’un enjeu couvert par les ESRS ou qu’il s’agisse d’un autre enjeu, identifié spécifiquement par l’entreprise comme important en matière de durabilité. L’entreprise doit aussi publier les exemptions de transparence qu’elle a retenues.  

Les informations sur les enjeux matériels pour l’entreprise sont isolées dans une partie du rapport de durabilité qui leur est dédiée et mettant en avant les informations générales, les enjeux environnementaux, les enjeux sociaux et les enjeux de gouvernance. Les auditeurs ne vont pas, a priori, vérifier l’ensemble des informations, mais vont sélectionner celles qui leur semblent porter le plus d’importance pour l’entreprise (risque potentiel de non-conformité, de greenwashing, …) ou pour les parties prenantes externes. Les auditeurs choisiront les informations à vérifier à la lumière d’un faisceau d’indices pouvant inclure, par exemple, la taille et la complexité de l’entreprise, le nombre d’enjeux matériels, les attentes exprimées par les parties prenantes, les engagements de l’entreprise, l’utilisation de scénarios et méthodologies reconnues scientifiquement, etc.  

Il apparaît dès lors capital pour les entreprises de porter un regard critique sur la publication de leur rapport de durabilité dans le contexte plus large des sujets d’intérêt pour l’ensemble de leur écosystème, des controverses, de leurs engagements publics (extra-financiers ou non) et de leur business model. Ces différents points doivent faire l’objet d’une analyse fine afin d’expliquer comment se positionne l’entreprise.   

 

3. Le respect des exigences de publication en matière de part du chiffre d’affaires alignée avec la taxonomie, et de la part des CAPEX et OPEX alignée avec la taxonomie

Les orientations de la haute autorité de l’audit mettent l’accent sur les vérifications que feront les auditeurs en lien avec le règlement taxonomie. Il est en effet prévu que les entreprises publient des informations sur les activités qui entrent dans le champ de cette règlementation (éligibles) et les activités alignées avec un ou plusieurs des 6 objectifs environnementaux de la taxonomie. Ces informations doivent faire l’objet d’une partie distincte du rapport de durabilité et être fournies pour chacun des objectifs environnementaux de la taxonomie.   

Les auditeurs s’attacheront en premier lieu à vérifier le processus d’identification des activités éligibles et alignées. Les activités alignées avec la taxonomie doivent respecter plusieurs critères cumulatifs : contribution substantielle à un objectif environnemental de la taxonomie, absence de préjudice important aux autres (DNSH), respect des garanties minimales et respect des critères techniques. De la même façon que pour la sélection des enjeux de durabilité, les auditeurs sélectionneront un certain nombre d’informations relatives à l’alignement taxonomique qui présentent un risque élevé d’erreurs, omissions ou non-conformité, en fonction notamment du secteur d’activité, de la complexité de l’entreprise, du choix des indicateurs de performance, etc. Puis les auditeurs vérifieront que les indicateurs clés de performance sont définis en accord avec la règlementation, s’agissant de la part du chiffre d’affaires éligible et alignée, de la part des dépenses d’investissement (CAPEX) et des dépenses d’exploitation (OPEX) alignées et éligibles.  

Dans cette partie du rapport de durabilité, une attention particulière doit être portée à la cohérence entre les informations financières et les parts d’alignement à la taxonomie publiées par l’entreprise.

 

4. La conformité avec l’exigence de balisage de l’information en matière de durabilité

Les orientations de l’H2A ne traitent pas de cette partie en l’absence de critères techniques de balisage de l’information dans le format ESEF (format unique européen). Bien que cela ne fasse pas encore l’objet d’une vérification approfondie par les auditeurs, il nous paraît être de bonne pratique que chaque entreprise se prépare au balisage des informations pour les prochains exercices.  Ce balisage de l’information devra permettre de déposer les rapports dans la base européenne ESAP et de faciliter les analyses des données publiées.  

L’objectif des rapports de durabilité est en effet de dessiner des trajectoires d’évolution des entreprises au fil des années. Il est important pour une entreprise de pouvoir comparer les points de données au fil du temps. Pour cela, une traçabilité des informations publiées est nécessaire, en rattachant par exemple les différentes informations, indicateurs et enjeux de votre rapport de durabilité aux points de données ESRS correspondants. 

Les 4 piliers des travaux de vérification des auditeurs proposent une lecture renouvelée de la directive CSRD et permettent d’établir des priorités pour les rédacteurs et les relecteurs des rapports de durabilité. Cohérence, lisibilité et complétude de l’information seront les maîtres mots d’un rapport de durabilité validé par les vérificateurs.   

 

 

 

CHAÎNE DE VALEUR ET PARTIES PRENANTES 

La première étape de préparation d’un rapport de durabilité consiste à déterminer la chaîne de valeur et les parties prenantes concernées par les activités de l’entreprise. Pour cela, une cartographie de la chaîne de valeur doit être réalisée afin de segmenter l’ensemble des activités de l’entreprise en différentes étapes, et prend en compte les activités amont et aval. La chaîne de valeur permet d’identifier les parties prenantes internes et externes intervenantes.  

IDENTIFICATION DES ENJEUX DE DURABILITÉ

Une fois les parties prenantes identifiées, des analyses doivent être conduites afin d’identifier les enjeux de durabilité matériels (impacts, risques et opportunités) qui devront être couverts par la stratégie de durabilité de l’entreprise et traités dans le rapport de durabilité. 

La liste des enjeux à évaluer se base sur : 

  • Les normes thématiques volet environnement, social et gouvernance (tous les thèmes, sous-thèmes et sous sous-thèmes identifiés par le règlement CSRD – norme ESRS 1 §AR 16) 
  • Les enjeux spécifiques à l’entreprise identifiés à partir de standards sectoriels reconnus, d‘études externes et la prise en compte du point de vue des parties prenantes internes et externes 

 

ÉVALUATION DE LA DOUBLE MATÉRIALITÉ

Une fois les enjeux identifiés, il convient d’évaluer leurs impacts, risques et opportunités (IRO). L’évaluation des enjeux de durabilité dans l’ensemble de la chaîne de valeur s’effectue selon deux points de vue : impact (négatif et positif) et financier (risques et opportunités). Chaque entreprise doit déterminer des seuils de matérialité et proposer des évaluations brutes.  

MATRICE DE DOUBLE MATÉRIALITÉ 

Le rapport de durabilité intègre l’analyse de double matérialité portant sur les enjeux couverts par les normes ESRS ou spécifiques à l’entreprise. Le principe de double matérialité consiste à analyser l’impact de l’entreprise sur l’environnement et l’impact du monde extérieur sur la performance financière de l’entreprise.  

REPORTING ET STRATÉGIE DE RÉDUCTION D’IMPACT  

Une fois l’analyse de double matérialité effectuée, une description des résultats de l’analyse devra avoir lieu ainsi qu’une description de la stratégie de réduction d’impact incluant : 

  • Les actions en cours et à venir afin de réduire l’impact environnemental et social 
  • Les indicateurs de performance utilisés pour mesurer les progrès liés aux objectifs de durabilité 

 

FORMAT ÉLÉCTRONIQUE DU RAPPORT DE DURABILITÉ

Le rapport de gestion soumis à la directive CSRD doit être réalisé dans un format digital standard : 

  • Publication des rapports au  format ESEF, format électronique unique européen
  • Rédaction des rapports dans le  langage HTML
  • Intégration de balises XBRL dans les rapports. Ces tags permettent d’identifier différents éléments comme les dates, les montants, etc. Grâce à eux, il est facile de retrouver des informations afin de procéder à des analyses comparatives

 

 

1 Directive (EU) 2022/2464

2 Commission Delegated Regulation (EU)

3 Haute autorité de l’audit, mission de certification des informations en matière de durabilité et de contrôle des exigences de publication des informations prévues à l’article 8 du règlement (UE) 2020/852, lignes directrices, octobre 2024

4 Committee of European Auditing Oversight Bodies, CEAOB, Guidelines on limited assurance on sustainability reporting, adoptees le 30 septembre 2024

 

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