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Juin 2020
Mouvement initié en 2015 par la loi Hamon, la résiliation infra-annuelle s’étend aujourd’hui aux contrats d’assurance frais de santé, qu’ils soient collectifs ou individuels. Un décret d’application est encore attendu. Une analyse de Thibault Galas, avocat au cabinet Fromont Briens et Guerric Bras, actuaire au sein de Périclès Actuarial.
Prévue initialement par un amendement au projet de loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), c’est finalement la loi du 14 juillet 2019 qui met en place et définit les contours de la résiliation infra-annuelle des contrats de complémentaire santé. Un décret précisera avant le 1er décembre 2020, les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif qui s’appliqueront aux contrats déjà en cours lors de son entrée en vigueur.
Concrètement, la faculté de résiliation infra-annuelle sera ouverte au bout d’un an de couverture, date à partir de laquelle la demande de résiliation pourra intervenir à tout moment et prendra effet un mois après sa réception par l’organisme assureur. Cette faculté devra être mentionnée dans chaque bulletin d’adhésion ou contrat et rappelée après chaque avis d’échéance ou de cotisation.
La résiliation pourra intervenir par lettre ou tout autre support durable, ou, si le contrat a été conclu à distance, ce même mode doit être proposé pour la résiliation. L’assureur devra accuser par écrit réception de la notification. Malgré cette liberté dans le choix du mode de résiliation, il est évident que l’assuré devra se ménager la preuve de sa demande de résiliation. À défaut, il lui sera impossible de reprocher à l’assureur de ne pas avoir pris en compte sa demande ni d’en avoir accusé réception.
Le texte impose également une obligation particulière au nouvel organisme assureur dans le cadre de la succession de deux contrats. Si l’assuré n’y a pas déjà procédé, le nouvel assureur devra effectuer pour son compte les formalités nécessaires à l’exercice du droit de résiliation. Il s’agit en réalité d’une transposition au niveau législatif d’une pratique courante des organismes assureurs qui proposaient à leurs assurés des modèles de courrier de résiliation, allant même jusqu’à s’occuper de leur envoi après signature.
Cependant, ce qui n’était qu’une possibilité devient ici une obligation, la loi confiant de facto un mandat de l’assuré à l’assureur. Il appartiendra aux organismes assureurs, notamment à travers leur fédération, de mettre en place un dispositif de sécurisation de ces demandes de résiliation. On peut aussi s’interroger sur la façon dont l’assureur pourra rapporter la preuve de ce mandat lorsque le contrat aura été conclu à la suite d’un démarchage téléphonique.
Enfin, le nouvel organisme devra s’assurer de l’absence d’interruption de la couverture de l’assuré pendant la procédure.
Cette nouvelle faculté de résiliation infra-annuelle ne manquera pas de soulever des problématiques de rédaction des contrats et de gestion des résiliations en cours d’année. Pour autant, celles-ci ne doivent pas faire oublier les conséquences actuarielles de cette réforme. La mise en application de la résiliation infra-annuelle aura trois impacts majeurs : une augmentation des effets d’aubaine, une diminution de la mutualisation et des conséquences sur la solvabilité des organismes d’assurance.
La loi du 14 juillet 2019 modifie également le cahier des charges du contrat responsable : les organismes assureurs devront indiquer le montant et la composition des frais de gestion ainsi que le rapport, exprimé en pourcentage, entre le montant des cotisations encaissées et le montant des prestations versées. Cette obligation vise à une meilleure information des assurés afin de leur permettre de disposer au mieux de cette nouvelle faculté de résiliation infra-annuelle.
En assurance collective, la résiliation infra-annuelle va accentuer les conséquences de la fin des clauses de désignation en facilitant les démarches de résiliation. Les organismes recommandés ou référencés au sein des conventions collectives conservent une capacité importante de captation des TPE et PME en proposant un tarif unique et les garanties minimales conventionnelles obligatoires.
La mise en place de facilités de résiliation ouvre le champ à un sursaut de développements d’offres miroirs dupliquant les garanties conventionnelles, mais avec une possibilité de segmentation tarifaire. Cette différenciation tarifaire permettra de capter le bon risque de la branche professionnelle sans porter la même contrainte des organismes référencés d’accepter l’ensemble des entreprises de la branche au même tarif pour les mêmes garanties.
Les premières cibles de cette réforme sont les assurances individuelles, pour lesquelles les impacts seront les plus visibles. La possibilité d’organiser les soins en amont et de résilier en un seul mois fait craindre une stratégie d’alignement ponctuel des garanties aux besoins le temps des soins et donc une augmentation de la sinistralité.
À cela s’ajoutent les déclarations de certaines associations de consommateurs sur les hausses tarifaires des complémentaires santé ainsi que les campagnes marketing ciblées de comparateurs en ligne qui laissent entrevoir les mêmes conséquences que celles observées aujourd’hui en assurance emprunteur : un plus grand turn-over des contrats.
Le vieillissement entraîne une augmentation des consommations des actes santé et donc une hausse de la prime d’assurance associée. À partir d’un certain âge, il devient même impossible de changer de contrat d’assurance à cause des âges limites à la souscription. Pour offrir des couvertures plus abordables aux séniors, certains organismes, notamment mutualistes, ont pris le parti de financer ce surplus de risque par des primes plus élevées pour leurs jeunes assurés.
Cette population adepte des comparateurs et ayant une propension à résilier plus importante sera une des grandes gagnantes de la réforme en termes de baisse de cotisation. Mais à quel prix ? Les séniors ne pouvant plus bénéficier de la mutualisation se verront doublement pénalisés : par l’impossibilité de changer de contrats d’assurance et par la détérioration des résultats techniques de leurs régimes synonymes de revalorisations tarifaires.
Enfin, l’impact sur la solvabilité des organismes assureurs est essentiel. L’augmentation des frais de gestion pour la mise en place des résiliations infra-annuelles, l’augmentation des rotations des contrats et les dérives de sinistralités influent directement sur le ratio de couverture. À cela s’ajoute la définition du volume de primes dans le calcul du SCR santé non similaire à la vie. Dans la formule standard, quatorze mois de cotisations sont conservés correspondant à un an de couverture et à deux mois de préavis. La fin de ce préavis conduirait vraisemblablement à ne conserver que douze mois de cotisations avec comme principale conséquence une hausse de la solvabilité ?
Article paru dans L’Argus de l’assurance.
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