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17

Oct 2024

  • Articles et presse

Produits structurés : entre croissance de marché et pressions réglementaires

Article écrit par Thomas Gaillot, Manager.

Développés dans les années 90 et profondément marqués par la crise financière de 2008, les produits structurés se sont progressivement imposés comme une solution d’investissement incontournable pour les épargnants français. Depuis la remontée des taux d’intérêt amorcée en 2022, ces instruments financiers représentent une part importante de la collecte d’unités de compte (40 % de la collecte au premier semestre 2024, contre seulement 14,5 % en 2023).

 

Les débuts tumultueux des produits structurés : entre complexité et réglementation

Au début des années 2000, le marché des produits structurés était en pleine effervescence : une prolifération de produits ultra-complexes, souvent mal encadrés, voire pas du tout. Les investisseurs se voyaient proposer des produits aux sous-jacents de plus en plus obscurs, sans aucune limite quant à leur complexité. Cette période d’euphorie a pris fin brutalement avec la montée des risques émetteurs, notamment lorsque certaines banques ont fait défaut, entraînant des pertes significatives pour les investisseurs.

C’est dans ce contexte que l’AMF a mis à jour sa doctrine en 2010, en introduisant une distinction claire entre les produits simples et complexes, assainissant ainsi le marché et limitant les excès qui avaient caractérisés les années précédentes. Ce “nettoyage” réglementaire a permis de restaurer une certaine confiance tout en protégeant davantage les investisseurs.

Les assureurs ont aussi joué un rôle clé en introduisant leurs propres règles, souvent plus strictes que celles de l’AMF, en se limitant à des produits simples et en excluant les produits complexes. Ils ont également mis en place des limites sur les allocations, ajoutant une couche supplémentaire de prudence et de rigueur dans la gestion de ces produits. Ces initiatives ont contribué à assainir le marché et à renforcer la confiance des investisseurs.

Depuis 2022, la remontée des taux d’intérêt a eu un impact significatif sur le marché des produits structurés, leur conférant un regain d’attractivité. Cette période a vu une forte augmentation de l’offre de produits structurés, proposés massivement aux clients, qu’ils soient gestionnaires d’actifs, family officers, conseillers en gestion de patrimoine, ou encore réseaux bancaires ou assureurs.

 

Une classe d’actifs dynamique ayant séduit les investisseurs

Le regain d’attractivité des produits structurés pour les investisseurs s’explique par plusieurs facteurs :

Une amélioration des conditions de rendements : ces produits reposent souvent sur des produits obligataires, utilisés pour garantir le remboursement du capital à l’échéance. La hausse des taux d’intérêt permet à ces obligations d’offrir un meilleur rendement que dans le cas où les taux seraient restés stables. L’émetteur du produit structuré peut donc acheter des obligations à un coût plus bas (mais avec un rendement plus élevé), tout en consacrant une part plus importante du produit à l’optionnalité (mécanismes de rémunération liés à la performance des sous-jacents).

Un effet ciseau avantageux : la hausse des taux d’intérêt combinée à la fin de la Politique du « Quantitative Easing »[1] crée ce que l’on appelle un effet ciseau. D’un côté les rendements des actifs obligataires augmentent, de l’autre, les actifs risqués (comme les actions) peuvent rester volatils mais offrir des perspectives de gains intéressantes. Cela permet aux produits structurés, souvent indexés sur des sous-jacents comme les actions ou indices boursiers, d’offrir de meilleures perspectives de rendement tout en maintenant une protection du capital.

L’attractivité des coupons conditionnels : une grande partie de ces produits inclut des coupons conditionnels, qui comme son nom l’indique, sont versés si certaines conditions liées à la performance du sous-jacent sont remplies. La hausse des taux permet de rendre ces coupons plus attractifs car les options coûtent moins cher à structurer dans un environnement de taux plus élevés. Ainsi, l’investisseur peut obtenir des coupons plus élevés par rapport à une période de taux bas.

Une alternative d’investissement aux produits obligataires classiques : avec la hausse des taux, les obligations classiques ont souffert, surtout celles à long terme, leur valeur de marché diminuant lorsque les taux augmentent. Les produits structurés, sont moins exposés à ce risque de taux car ils sont généralement conçus avec une protection du capital à maturité. Il s’agit donc d’une alternative attrayante pour les investisseurs cherchant un rendement tout en étant protégés contre les variations de taux.

En somme, la remontée des taux d’intérêt et la fin de la politique de “quantitative easing” ont permis aux produits structurés de devenir plus performants et attractifs en offrant de meilleurs rendements, tout en maintenant une certaine sécurité pour les investisseurs.

Néanmoins, bien que ces produits puissent offrir de nombreux avantages, il est à noter qu’ils restent complexes et comportent aussi des risques pour l’investisseur.

 

Une promesse de protection du capital, sans risque ?

Derrière cet engouement, il est nécessaire de rappeler que les produits structurés sont des produits complexes et nécessitent un minimum de connaissance financière afin de les appréhender au mieux étant donné la complexité des différents paramètres du produit.

Malgré le fait que ces produits s’appuient sur une protection du capital (totale ou partielle), il est à noter qu’ils comportent des risques pour les investisseurs :

  • Un risque de contrepartie (en cas de défaut de l’émetteur) impliquant des conséquences négatives dont le principal étant le risque de perte en capital. En effet, le risque de contrepartie n’est pas à négliger en cas de défaut de l’émetteur.
  • Un risque de marché impliquant une perte du capital lors de variations défavorables du marché
  • Un risque de liquidité si le sous-jacent du produit viendrait à faire défaut.

 

Les régulateurs, ont ainsi déjà par le passé sanctionné les émetteurs / distributeurs pour une insuffisance de devoir de conseil, ou pratiques commerciales jugées comme trompeuses en leurs infligeant des sanctions pécuniaires.

Ces risques soulignent l’importance du devoir de conseil de la part des distributeurs. En effet, il est primordial que les distributeurs s’assurent que les épargnants investissant dans les produits structurés comprennent les caractéristiques et les mécanismes de ces derniers.

 

Renforcer le devoir de conseil dans un contexte de complexité accrue

L’enjeu pour les assureurs est de s’assurer de la qualité du devoir de conseil réalisé par les distributeurs. En effet, il convient de vérifier que le client souscrivant à des produits structurés dispose bien des informations et connaissances financières suffisantes pour comprendre les mécanismes du produit.

Ainsi, afin de palier à ces inquiétudes, les assureurs ont mis en place des processus afin de garantir que le distributeur ait l’exhaustivité des informations sur le produit tels que :

  • La transmission de l’ensemble de la documentation nécessaire à l’analyse du produit (mécanismes, éléments de rémunération, commissions broker / émetteur)
  • La production de dispositions particulières et avenants …

 

Il est en effet essentiel que les conseillers en investissements financiers renforcent leurs connaissances et leurs compréhensions des mécanismes sous-jacents dans les produits structurés qu’ils proposent à leurs clients.

Il est également nécessaire d’améliorer la communication sur les risques de pertes en capital existants sur ce type de produit.

Avec les arrivées à venir des réglementations autour de Value For Money (VFM) et de la Retail Investment Strategy (RIS) le devoir de conseil des distributeurs pourrait devenir encore plus crucial pour la vente des produits structurés afin d’améliorer la protection des épargnants (amélioration du rendement des produits en diminuant les coûts et frais jugés parfois excessifs et une meilleure transparence globale des frais).

 

Quel futur pour les produits structurés ?

Il sera intéressant de suivre les résultats du groupe de travail lancé conjointement par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) avec l’Autorité des marchés financiers (AMF). Les deux autorités ont en effet décidé de recenser et analyser les risques spécifiques que ces produits peuvent faire courir aux épargnants ainsi que de vérifier la cohérence des frais appliqués aux produits structurés, ces derniers générant des revenus importants pour toute la chaîne de distribution.

En effet, nous pouvons imaginer que l’introduction d’une réglementation plus stricte sur les frais, et globalement sur leur distribution, permettrait d’améliorer la lisibilité de ces produits pour les investisseurs et pourrait entraîner une réduction des produits trop coûteux, incitant ainsi les acteurs du marché à plus de transparence et de responsabilité. Actuellement, les informations sur les frais associés aux produits structurés restent souvent limitées à des valeurs maximales, maintenant une certaine opacité au niveau de l’investisseur final.

 

Alors que les produits structurés continuent de séduire un nombre croissant d’investisseurs, leur futur se dessine dans un environnement en constante évolution, marqué par des changements de marché et des pressions réglementaires.

Ainsi, avec l’importance croissante de la Value For Money transposition de la réglementation VFM et la future réglementation RIS (Retail Investment Stratégy), ces produits complexes se retrouvent au centre des débats sur la transparence et la protection des épargnants. Un cadre réglementaire plus stricte, pourrait entraîner un ralentissement de la collecte sur ces produits. Nous pouvons imaginer, que les autorités pourraient imposer des limites sur l’exposition des investisseurs particuliers à ces produits, notamment via des tests de connaissances et expériences, et d’adéquation plus exigeants pour s’assurer que l’investisseur comprenne bien les risques.

Néanmoins, dans un éventuel contexte de baisse des taux, où des produits comme le fonds Euro se retrouvaient moins rémunérateurs, les détenteurs ou futurs détenteurs de contrats d’Assurance-Vie, iront naturellement s’orienter vers des produits porteurs de performance ce qui pourrait donc profiter aux produits structurés.

Aussi, si les dernières années ont permis aux produits structurés de s’imposer comme des instruments clés de diversification et de rendement, leur avenir dépendra de la capacité des acteurs à s’adapter aux exigences croissantes de régulation, tout en continuant d’innover. La question est donc de savoir comment cet équilibre entre performance, transparence et réglementation influencera le paysage des investissements structurés dans les années à venir.

 

[1] Politique monétaire par laquelle une banque centrale rachète massivement de la dette publique ou d’autres actifs financiers afin d’injecter de l’argent dans l’économie et stimuler la croissance

 

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