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Déc 2024
En 2023 et 2024, dans un contexte marqué par une reprise économique fragile et des tensions budgétaires accrues, le Projet de Loi de Finances (PLF) et le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) ont introduit plusieurs mesures qui redéfinissent le cadre financier des organismes de complémentaire santé. Ces lois visaient notamment à contenir les dérives de dépenses de santé tout en renforçant les exigences de solidarité. L’augmentation de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) sur les contrats santé et la réduction des marges sur certains postes de remboursement poussaient les assureurs à revoir leurs modèles économiques. Ces changements affectaient directement les assurés, avec des cotisations plus élevées et une diminution possible de certains niveaux de remboursement. Cela a entraîné une tension accrue sur les budgets des ménages, notamment ceux souscrivant des contrats “entrée de gamme”, tout en exacerbant les inégalités d’accès aux soins.
Cependant, l’échec de l’adoption du PLF et du PLFSS pour 2025, conséquence directe d’une motion de censure adoptée avec 331 voix contre le gouvernement, a bouleversé ces prévisions et créé une incertitude budgétaire majeure. Aucune disposition constitutionnelle ou organique ne prévoit explicitement les conséquences d’un rejet du PLFSS par le Parlement, selon les travaux récents du Sénat. Bien que les prestations sociales continueraient à être versées dans l’immédiat et les cotisations collectées, des blocages pourraient émerger, notamment pour autoriser l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) et la CNRACL (Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales) à emprunter et ainsi garantir le versement de certaines prestations. Les reports d’investissements prévus dans les infrastructures hospitalières ou les programmes de prévention pourraient aggraver les disparités régionales en matière de santé.
Cette situation pose également un risque de tension sur les relations entre les acteurs publics et privés, rendant plus difficile la coordination des initiatives nécessaires pour répondre aux besoins croissants des assurés. Pour les organismes de complémentaire santé, cet échec se traduit par une absence de cadre réglementaire clair pour les prochaines années. Plusieurs mesures envisagées pour contenir les coûts, comme la réduction des exonérations fiscales pour les contrats “responsables” ou la hausse de certaines contributions des assureurs, restent désormais en suspens. En conséquence, les organismes doivent naviguer dans un contexte flou, où l’équilibre entre rentabilité et accessibilité est plus difficile à maintenir. Cette incertitude pousse les organismes complémentaires à adopter des stratégies conservatrices, comme le report d’investissements prévus dans l’innovation ou la réduction des budgets alloués à des initiatives préventives.
Ils doivent également renforcer leurs outils d’analyse pour anticiper les évolutions du marché et garantir la viabilité à moyen terme. Par ailleurs, les incertitudes réglementaires pourraient décourager les investissements nécessaires pour développer des offres innovantes et préventives, au détriment des assurés. Enfin, l’absence de PLFSS pourrait conduire à des reconductions automatiques des objectifs de dépenses de l’année précédente (ONDAM), tout en augmentant les charges pour certains dispositifs, comme les pensions indexées sur l’inflation.
Cette instabilité budgétaire s’inscrit dans un contexte où les défis démographiques et sociétaux exercent une pression croissante sur le système de protection sociale.
Le vieillissement démographique continue de peser sur le système de protection sociale. Les soins de longue durée représentent 16 % de la DCSi en 2023, et leur part devrait croître avec l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. Les coûts associés à la dépendance représentent un défi croissant pour les ménages comme pour les organismes complémentaires, qui devront adapter leurs offres pour inclure des solutions comme l’aide à domicile et les technologies de santé connectée.
Les maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension et les troubles respiratoires demeurent une cause majeure de dépenses dans le système de santé. En 2023, les innovations thérapeutiques, bien que coûteuses, ont permis des avancées significatives dans la gestion de ces pathologies. Cependant, ces progrès soulèvent la question de leur accessibilité financière pour les populations les plus vulnérables. Le manque d’investissement dans la prévention aggrave ces situations, alors que des actions ciblées pourraient réduire la prévalence des complications et donc, les coûts à long terme. Le rôle des organismes complémentaires pourrait inclure un financement accru des programmes de prévention et de sensibilisation pour lutter contre ces pathologies.
En 2023, les dépenses courantes de santé ont atteint 325 milliards d’euros, soit 11,5 % du PIB. Cette hausse (+3,5 % par rapport à 2022) est largement portée par la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), qui a augmenté de 5,2 %, atteignant 249 milliards d’euros. Les soins hospitaliers demeurent le principal moteur de cette croissance avec une progression de 5,7 %, stimulée par l’augmentation des coûts de fonctionnement et des rémunérations hospitalières.
Les soins ambulatoires ont également connu une hausse notable (+5,7 %). Cette croissance reflète l’essor de la médecine de ville et des soins préventifs, notamment grâce à des dispositifs comme “Mon Soutien Psy” qui ont renforcé l’accès à la santé mentale.
La réforme “100 % santé”, visant à réduire le reste à charge pour les ménages sur certains postes comme l’optique, les audioprothèses et les soins dentaires, montre des résultats contrastés. Si le taux de reste à charge a diminué à 7,5 %, les secteurs ciblés par cette réforme présentent encore des disparités importantes, notamment pour les audioprothèses où les coûts demeurent élevés.
Ainsi, ces évolutions révèlent une transformation des besoins en matière de santé et protection sociale, nécessitant une adaptation des politiques publiques et des offres des complémentaires santé.
Avec l’augmentation de la prise de conscience autour de la santé et du bien-être, les assurés montrent un intérêt croissant pour les dispositifs préventifs et les solutions personnalisées. Des programmes comme “Mon Soutien Psy” ou le remboursement de consultations de médecine douce témoignent de cette évolution. Les entreprises, conscientes des enjeux liés à la santé mentale et physique de leurs employés, investissent davantage dans des contrats élargis, mais ces mesures restent souvent réservées aux entreprises disposant de régimes “haut de gamme”.
Les assurés exigent aujourd’hui une transparence accrue dans les garanties et une meilleure lisibilité des offres. La digitalisation des services de santé, portée par les plateformes de téléconsultation et les applications de suivi médical, contribue à répondre à ces attentes. Cependant, elle révèle également des inégalités d’accès entre les territoires urbains et ruraux, où les infrastructures numériques restent insuffisantes.
En 2023, les organismes complémentaires ont financé 12,4 % de la CSBM. Bien que leur participation ait augmenté avec la réforme “100 % santé”, les transferts de charge chroniques de la Sécurité sociale vers ces acteurs soulèvent des questions sur leur pérennisation. La montée des coûts associée à des garanties élargies pour les contrats “haut de gamme” accroît la pression financière sur les assureurs.
Face à ces nombreux défis, il est indispensable d’adopter une approche collaborative pour renforcer la résilience du système de protection sociale.
Pour faire face aux défis budgétaires et aux attentes des assurés, une collaboration renforcée entre l’État, les organismes complémentaires et les entreprises est essentielle. Ces partenariats pourraient permettre le développement de solutions innovantes, telles que des outils d’intelligence artificielle pour le dépistage précoce des maladies ou des programmes de santé communautaire adaptés aux besoins locaux.
La réduction drastique des dépenses de prévention en 2023 souligne la nécessité d’un engagement public et privé pour relancer des initiatives structurelles. Des campagnes de sensibilisation et le développement d’incitations financières pour les comportements préventifs pourraient générer des économies substantielles à moyen et long terme.
La digitalisation des parcours de soins et l’intégration des nouvelles technologies représentent une réponse stratégique aux défis actuels de la protection sociale. Les outils d’intelligence artificielle (IA) permettent d’optimiser le dépistage et le suivi des maladies chroniques, tandis que les plateformes de télémédecine facilitent l’accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées en infrastructures médicales. Par ailleurs, les objets connectés, comme les dispositifs de santé portables, offrent des possibilités multiples pour le suivi en temps réel des patients, favorisant une approche proactive et personnalisée. Cette transformation numérique ne se limite pas aux patients : elle améliore également la gestion des risques par les assureurs grâce à des analyses de données avancées, permettant de concevoir des offres adaptées aux besoins évolutifs des assurés. Cependant, cette transition nécessite des investissements substantiels dans les infrastructures numériques et une sensibilisation accrue pour garantir une adoption équitable et généralisée.
Face à un paysage en mutation marqué par des défis économiques, démographiques et politiques, la protection sociale doit s’adapter pour rester un pilier de solidarité et d’équité. Les actions prioritaires doivent inclure un renforcement de la prévention, une gestion plus efficiente des ressources, et une coopération accrue entre les acteurs publics et privés. Ces stratégies permettront de bâtir un système résilient, capable de répondre aux besoins d’une population en constante évolution.
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